Naissance de Giacomo Casanova. Venise.

Gaetano Joseph pénétra dans la pièce. 

Zanetta, sa jeune épouse vit son reflet dans le miroir devant lequel elle relevait ses frisottis par un foulard de soie roulé, laissant coquettement échapper quelques mèches sur son épaule que Gaetano s’empressa de baiser, les yeux mi-clos.

-          Que tu es belle, Mienne !
                     mais que fais-tu à t’apprêter à cette heure d’après souper ?
-          Tu m’accompagnes ? Je veux aller danser en ces fêtes de Pâques.
-          Les cloches t’ont tourné la tête ! ton ventre plus que rond, demande quelques précautions
-                                                    
-          Les précautions ! C’est toi qui aurais dû les prendre; il est vrai que ronde je suis !  Simona m’a prédit la délivrance sous peu, et, regarde, d’un linge bien posé sous mon ventre, elle a fait un panier dont il ne peut tomber.
      Hèle la gondole, le bal va commencer !
-          J’ai rencontré ta mère, elle  se fait souci, mais toujours fâchée, elle ne désire pas te voir !
-          Qu’importe ! saute et donne ta main, ce n’est guère le moment de  nous baigner.
-          Gondolier, fais vite, j’entends les violons !

          Ne me fais pas triste mine, n’aie crainte, Violetta demeure sur la place, s’il y a besoin, j’y trouverai abri.
  -   Je veillerai sur toi !
-          Je ne veux pas d’un ange gardien,  mais d’un bon danseur   Gavotteras-tu  ou mieux,  j’aimerais retrouver nos folies, tu étais si habile pour me faire sauter au son de la Furlana. (note : danse bruyante des paysans du Frioul, très à la mode parmi les Vénitiens )

La première danse, le pied lui a glissé.
La deuxième danse elle se mit à crier (note bas de page : chanson française «  sur le pont du Nord. ».

La musique se tut, les femmes s’assemblèrent auprès de Zanetta, soutenant son ventre de ses mains.
Gaétano, pataud, encombrant le passage, ne savait que faire.
 Heureusement, Violetta l’aînée de quatre petits, savait … elle !

-          Va prévenir la Simona,  fais vite ! Le temps presse !
         
                         A 16 ans, l’année de ses épousailles, Zanetta se rêvait comédienne. Treize mois passés, la voilà jouant son premier beau rôle !
        
            La porte fut fermée aux hommes. La musique reprit, mêlant les hymnes vénitiens.
            L’on apporta verres,  Lambrusco et pâtisseries diverses en forme de cloches et de colombes garnies de fruits confits.

             Il fallait faire belle fête (note : qu’il soit 4h ou 20h  à  vérifier).

La star du jour reposant sur le lit,  réclamait des crevettes !

-          Avant la dînette, montres-nous celle que tu gardes dans ton ventre, lui dit une commère rieuse.

Ce qui fut vite fait, la belle en un ultime effort, poussa vers les lumière un être rouge, ridé, long et maigre, qu’elle regarda à peine.

-          Emportez-le, il est vraiment vilain !
-          Mais il te faut lui donner le lait !
-          Faites comme bon vous semble, moi je veux mes crevettes ! 
-          Tout doux, lui dit Alcyon, le tendre ami de Violetta, pêcheur de son métier, j’en ai belle provision mais je viens juste de rentrer, il nous faut les faire cuire.

            La jeune accouchée fit la moue, mais se souvenant qu’elle avait un rôle à tenir ; d’un geste gracieux, elle gonfla ses cheveux suivi de deux tapettes sur les joues pour la couleur ; le sourire revenu, elle quémanda « son vilain poupon ».auquel elle trouva meilleure allure bien enserré dans un lange de laine blanche.
         . Soutenue par de jolis coussins bordés de dentelle, elle le laissa boire.

            Et, enfin les crevettes, toute belles dans une soucoupe de verre bleu de Murano étaient posées prés d’elle, sur un carré de lin.

            La porte fut de nouveau ouverte. Le jeune père de 19 ans à peine, présenta haut son premier fils Giacomo,.Girolamo né à Venise le lendemain des Pâques ce 2 avril 1725.

            Zanetta, requinquée par ses gourmandises s’était endormie, bercée par le tintement des  verres et  les airs de violons qui menaient la danse sur la piazzetta éclairée de torches posées dans leurs socles de fer forgé, scellés le long des murs.



Ce 2 avril 1725  Faute de berceau, il fut déposé dans le tiroir du haut d’une commode,  heureusement bloqué par divers chiffons et dentelles, afin qu’il y respirât.


.
Dans les autres tiroirs, il sera entouré par ses divers ancêtres.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire